Barbie : histoire d’une pin-up entrée au musée

Inutile de rappeler ses proportions impossibles, sa blondeur éclatante et ses grands yeux. La célèbre poupée Barbie, impératrice du rose et du plastique, s’est vendue à plus d’un milliard d’exemplaires dans le monde, s’invitant dans les foyers de bien des petites filles.

Sa première apparition a lieu au salon du Jouet de New York, le 9 mars 1959. Ce jour-là, elle mesure déjà vingt-neuf centimètres pour deux cent cinq grammes, porte un maillot de bain rayé noir et blanc et des lunettes de soleil. Son visage de pin-up dévoile des sourcils en accent circonflexe et une bouche fermée.

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Son designer ? Un certain Jack Ryan (1926–1991), ancien ingénieur dans l’aérospatial qui avait créé des missiles avant d’être embauché par l’entreprise de jouets Mattel, en Californie. Pour donner vie à cette bombe moulée en plastique, il s’est inspiré d’une poupée allemande nommée Bild Lilli (qui s’avère être une poupée « pour adultes » !), ramenée d’Europe par sa patronne Ruth Handler (1916–2002). Propriétaire avec son mari de Mattel, c’est elle qui a l’idée géniale de proposer une version de cette femme miniature aux petites filles, avec sa garde-robe pour l’habiller.

D’Andy Warhol à Pierre Cardin : Barbie inspire aussi les artistes

Après tout, pourquoi sa fille Barbara n’aurait pas autant de jouets que son frère ? Doit-elle se résoudre à simuler la mère parfaite en trainant son poupon dans son landau à longueur de journée ? En 1959, Ruth réalise son rêve de vendre sa Barbie (surnom de sa fille Barbara) au grand public pour seulement trois dollars. Résultat : 300 000 exemplaires s’écoulent dès la première année. On évite cependant soigneusement de mouler des parties génitales ou d’affubler ses seins de tétons érotiques. Barbie est une simple silhouette au visage peint, dont les bras et les jambes s’articulent…

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« Barbie a toujours incarné une femme qui a le choix. »

Ruth Handler

En totale adéquation avec les critères de beauté de l’époque : après la pin-up, Mattel la relooke à l’image de l’actrice hollywoodienne Jayne Mansfield (1933–1967), sex-symbol à la poitrine généreuse qui fait la une des magazines. Sur une photographie d’archive, on la voit coiffer sa chevelure blonde, dans sa salle de bain, entièrement recouverte de fourrure… rose ! C’est elle, la vraie Barbie. Même si en réalité, la poupée peut exercer tous les métiers : hôtesse de l’air, professeure, infirmière, danseuse étoile… Elle devient même astronaute quatre ans avant que Neil Armstrong pose son pied sur la Lune en 1969.

« L’idée que je me faisais de Barbie était qu’à travers la poupée, la petite fille pouvait devenir qui elle voulait. Barbie a toujours incarné une femme qui a le choix », peut-on lire dans l’autobiographie de Ruth Handler. Ainsi, la figurine bénéficie d’un immense dressing (l’équipe de designers dessine et coud les vêtements miniatures à la main pour s’adapter à l’échelle 1/6) et de tous les moyens de transport possibles et imaginables (camping-car, avion, calèche… toujours en plastique) sans oublier son partenaire masculin (nommé Ken d’après le garçon de Ruth, Kenneth), incarnation bodybuildée des années Alerte à Malibu…

Mais peu importe sa vie amoureuse que les enfants réinventent à l’infini, Barbie est si puissante qu’elle devient une véritable ambassadrice de l’american way of life dans le monde entier, ainsi qu’une véritable icône de la pop culture. Andy Warhol immortalise son portrait en 1985 et des créateurs de mode tels que Yves Saint Laurent, Christian Dior ou Pierre Cardin habillent ce mannequin miniature des plus convoités. Seul souci : la bimbo californienne incarne les dictats de beauté que subissent les femmes au quotidien.

Barbie entre au musée

Son allure parfaite exaspère et ses ventes s’essoufflent. Ce qui pousse Mattel à commercialiser en 2016 quatre silhouettes aux formes et proportions plus réalistes. Un challenge pour les designers des ateliers californiens qui, à partir d’un dessin, doivent mettre au point une sculpture par impression 3D, penser la peinture des traits du visage, la couture des cheveux, sans parler des vêtements… Au total, il leur faut plus d’un an pour envoyer un nouveau modèle aux usines asiatiques.

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Depuis, les Barbie inclusives ont relancé l’entreprise, désormais en grande forme grâce au succès du blockbuster sorti le 19 juillet qui promeut la tendance « barbiecore ». Rose fuchsia (la teinte a même sa référence Pantone, le 219 C), couleurs fluo, paillettes et motifs kitsch envahissent la mode comme nos intérieurs. Un phénomène qui se joue des codes de genre et considère la poupée iconique comme un véritable objet de collection digne des grands musées (en France, on trouve des Barbie au musée des Arts décoratifs de Paris, au musée Yves-Saint-Laurent ou au musée des Jouets de Montauban qui en compte plus d’une centaine). Avec le recul nécessaire sur cet archétype féminin, symbole de la femme-objet.