Béligh Nabli : « Sur l’Histoire, Emmanuel Macron joue un jeu dangereux


, Béligh Nabli : « Sur l’Histoire, Emmanuel Macron joue un jeu dangereux

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Le président Macron est engagé dans une nouvelle séquence mémorielle. Au-delà de la volonté de cultiver sa posture présidentielle, transcendant les clivages et conflits qui traversent notre pays, ce choix traduit aussi une appétence manifeste pour notre histoire et notre identité. Un lien aussi intime qu’équivoque, par lequel le chef de l’Etat tente de « regarder l’histoire en face », mais sans échapper à l’exercice imposé du roman national. Cette manière de se raconter une histoire mobilisant un imaginaire commun fait écho à la fonction même d’un président de la République incarnation de l’unité nationale. Toutefois, cette fonction ne saurait justifier un certain révisionnisme historique, du moins une minoration de certaines pages sales de notre histoire nationale. D’autant que ces lectures biaisées du passé participent à la dédiabolisation-normalisation de l’extrême droite.

Le chef de l’Etat appelle souvent à « regarder l’histoire en face ». Une invitation qu’il ne s’est pas imposée lorsqu’il a fustigé les propos de la Première ministre Elisabeth Borne. Celle-ci a eu l’outrecuidance de rappeler que le Rassemblement national (RN) était « l’héritier de Pétain ». En estimant qu’il ne faut pas mener le combat contre l’extrême droite par des arguments historiques et moraux, mais par des actes concrets, Emmanuel Macron semble opposer les deux modes argumentatifs tout en oubliant la teneur de ses appels à faire barrage à l’extrême droite durant l’entre-deux-tours des élections présidentielles de 2017 et 2022. Au-delà de cette incohérence, il donne l’impression de faire table rase d’un certain passé, d’une certaine histoire : le RN est issu d’un parti, le Front national (FN), fondé par des nostalgiques de Pétain et de l’Algérie française, et même par un ancien Waffen-SS (Pierre Bousquet, qui a déposé les statuts du FN). Des « pères fondateurs » qui n’ont pas empêché Marine Le Pen de s’adresser à ses partisans en déclarant, en octobre 2022, à l’occasion des 50 ans de son parti : « Nous n’avons pas à rougir de notre histoire »

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Emmanuel Macron, lui, fait comme si le RN était un parti comme les autres, sans histoire, mais aussi sans label antirépublicain et anticonstitutionnel, celui de la préférence nationale. Principe dont l’ancrage dans le programme traditionnel du RN témoigne de la filiation idéologique avec le régime de Vichy. Régime, dont Emmanuel Macron est tenté de réhabiliter la figure tutélaire, Pétain, qui « a été […] un grand soldat », avait-il déclaré… Une tentation qui s’inscrit dans une dérive plus large.

« Racines chrétiennes de la France »

Après avoir développé une image d’ouverture, libérale (sur le multiculturalisme, la laïcité, l’islam), le président Macron n’a cessé d’envoyer des signaux identitaires, mêlant parfois son histoire personnelle à un certain récit national. Ainsi, à Reims, près de la cathédrale Notre-Dame, « où bat le cœur de la France », il s’était présenté comme « un fils de France, dont la souche se perd entre Amiens et les confins du Pas-de-Calais ». Il n’a pas hésité non plus à reconnaître les « racines chrétiennes de la France », avant de rendre hommage à Jeanne d’Arc : une formule et un symbole ressuscités par le FN.

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Les signes et expressions de l’ambivalence du président Macron se vérifient aussi sur la colonisation française et la guerre d’Algérie (1954-1962). Son discours mémoriel rejette toute « repentance » tout en invitant à regarder le passé, celui de la responsabilité historique de la France, « avec courage ». En pleine campagne présidentielle de 2017, il avait qualifié la colonisation de « barbarie », de « crime contre l’humanité », alors qu’il avait estimé (en novembre 2016, dans les colonnes du « Point ») que la colonisation française avait permis « l’émergence d’un Etat, de richesses, de classes moyennes », qu’« il y a eu des éléments de civilisation ». Plus tard, en qualité de président de la République, le 30 septembre 2021, il déclara que « La nation algérienne post-1962 s’est construite sur une rente mémorielle […] ». « La construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question. » Enfin, à propos des relations entre la France et l’Algérie, il avait osé cette envolée : « C’est une histoire d’amour qui a sa part de tragique », comme si cette relation avait été consentie, de part et d’autre, à parts égales, sans violence.

L’orientation prise par le discours mémoriel d’Emmanuel Macron est manifestement liée à sa volonté de contenter un électoral sensible au roman ou déni national. Or en cherchant à inclure cette frange de notre société, il unit moins qu’il ne fracture, encore et toujours. Pis, son discours l’érige au cœur de la stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen, celui d’« allié objectif » de l’extrême droite.

Chronique de la bataille culturelle :

toutes les semaines, en alternance avec Saïd Benmoufok.

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