Social : le Maroc à la veille d’une réforme historique

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Dans le prolongement de la dynamique enclenchée en 2020 par laquelle les bases d’une stratégie d’anticipation des effets de la crise sanitaire ont été posées, le Maroc se dirige-t-il vers la mise en place d’un État social alerté par le risque élevé de fragmentation, au propre comme au figuré, qu’il pourrait encourir si les inégalités économiques, éducationnelles, territoriales, de genre et autres persistaient ? L’illustration la plus patente est dans le contrat social que le royaume veut mettre en œuvre en activant dès la fin de cette année un programme d’aides sociales directes sur lequel les autorités travaillent depuis un bon moment. Au cœur du dispositif, une méthode permettant de mieux identifier les populations à soutenir et à mieux adapter les prestations auxquelles elles pourraient prétendre. Pour ce faire, l’État entend s’appuyer sur deux outils : le registre national de la population et le registre social unifié.

Faut-il le rappeler ? À travers le nouveau modèle de développement (NMD) de mai 2021, le Maroc a voulu soigner ses plaies passées et se prémunir contre de dangereuses fragilités à venir en proposant, sous l’impulsion des lignes de force sorties de la vision de Mohammed VI pour son royaume, « un nouveau référentiel de développement », selon les mots mêmes du Haut-Commissariat au plan, à travers quatre axes que sont la transformation structurelle de l’économie, le renforcement du capital humain, l’inclusion sociale et le développement régional. Autrement dit, il s’agit désormais de préparer au mieux un grand programme de résilience économique et sociale dont le souverain a dit le 13 octobre dernier qu’il était le « pilier essentiel du modèle sociétal et de développement ».

Deux registres pour identifier les populations à soutenir

Dans un tel contexte, pouvoir identifier le maximum de ménages modestes, voire pauvres, est un chantier de toute première importance. Il convient de rappeler que la séquence pandémique liée au Covid-19 avait levé le voile en 2020 sur la complexité de la question du ciblage des populations éligibles à des programmes d’aides de l’État. Les courroies permettant les transferts monétaires vers les populations vulnérables touchées par les effets de la crise sanitaire avaient particulièrement fait défaut.

« Dans un pays à revenu moyen, avec une urbanisation croissante et une inégalité élevée, le ciblage des ménages est une option nécessaire à l’efficacité et l’efficience », souligne ainsi Larabi Jaidi, dans un Policy Paper publié par le Policy Center for the New South (PCNS), en 2020. « Le Maroc cherche à tirer des leçons de ses expériences de ciblage géographique ou catégoriel », ajoute-t-il.

Un défi qui a fait prendre conscience aux autorités de la nécessité de révolutionner le mécanisme de ciblage des bénéficiaires des différents programmes sociaux. Une tâche titanesque pour le département marocain de l’Intérieur en charge de mettre en place le système imaginé.

Celui-ci s’appuie, d’un côté, sur le registre national de la population (RNP), censé couvrir tous les citoyens marocains, tous âges confondus, ainsi que les étrangers en situation régulière, de l’autre, sur le registre social unifié (RSU), visant les ménages dont les membres sont enregistrés au RNP, et ce, en vue de déterminer leur éligibilité aux programmes d’appui social selon des critères socio-économiques objectifs prédéterminés.

Un début de mise en œuvre prometteur

Dans les détails, dès début janvier 2023, plus de 1 630 centres de services aux citoyens ont été aménagés avec la mobilisation de 5 200 agents, dont 3 000 ont été spécialement recrutés pour ce projet. Résultat : plus de 14,5 millions de personnes se sont déjà inscrites sur le RNP, un niveau au-delà de l’objectif initialement fixé à 10 millions. De même, le nombre de ménages inscrits au RSU a dépassé les 3 millions, ce qui correspond à quelque 10,5 millions de personnes. De quoi appuyer le constat de Larabi Jaidi selon lequel « un meilleur ciblage permettrait de concentrer les ressources sur ceux qui en ont le plus besoin et de maximiser, ainsi, l’impact des programmes sociaux ».

S’il s’agit là d’une avancée notable, on ne saurait s’arrêter à ce niveau. Et le royaume chérifien s’apprête à trouver le moyen de rehausser le niveau de vie de plus de 7 millions d’enfants et de 3 millions de familles. Autrement dit, le compte à rebours pour les aides sociales est lancé.

Aides sociales : jusqu’à 1 000 dirhams par famille

Qu’en est-il ? Au début de 2024, un dispositif révolutionnaire pour le pays va être lancé. Il devrait non seulement changer la vie des millions de ménages mais aussi améliorer les indicateurs de développement social dans un pays classé 123e au niveau de l’indice de développement humain par le rapport du PNUD publié en 2022.

60 % des familles marocaines non couvertes par les régimes de sécurité sociale sont concernées par ce programme. Cela signifie concrètement que 60 % des personnes qui ne sont pas prises en compte dans les systèmes de sécurité sociale pourront désormais jouir de leurs droits sociaux, y compris ceux sur la santé et le logement. Le montant de l’aide sociale directe ne sera pas inférieur à 500 dirhams par famille ciblée et pourrait augmenter jusqu’à 1 000 dirhams en fonction du nombre d’enfants.

Quelle architecture pour ce programme ?

On en sait plus désormais sur l’architecture de ce programme destiné à toutes les franges sociales nécessiteuses.

De la naissance jusqu’à l’âge de 5 ans, les familles avec enfants recevront une allocation alimentaire d’une valeur de 200 dirhams par mois.

Quant aux familles ayant plus de trois enfants, elles bénéficieront d’une allocation mensuelle estimée à 36 dirhams pour le quatrième, le cinquième et le sixième enfant. Une allocation de 300 dirhams par mois est aussi prévue pour les familles ayant un enfant souffrant d’un handicap.

Il convient aussi de noter que les femmes veuves ayant des enfants en charge continueront de recevoir 350 dirhams par mois pour chaque enfant. Au centre de ce dispositif figurent également les familles n’ayant pas d’enfants ou ayant des enfants âgés de plus de 21 ans, notamment celles en charge de personnes âgées. Une allocation forfaitaire d’un montant de 500 dirhams par mois leur sera allouée.

Une prime est également prévue à la naissance du premier et du deuxième enfant. Cette prime est estimée à 2 000 dirhams pour la première naissance et à 1 000 dirhams pour la deuxième.

Objectif de ce déploiement : « inaugurer une nouvelle phase dans laquelle le citoyen est au centre de la préoccupation des différents projets et politiques de l’État social », a précisé le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, lors d’une séance conjointe des deux chambres du Parlement, le lundi 23 octobre dernier.

Il est à noter qu’en parallèle le processus législatif est entré dans sa dernière ligne droite. Le Conseil de gouvernement, réuni ce jeudi 2 novembre, a ainsi adopté le projet de loi relatif au régime d’aide sociale directe, ouvrant ainsi la voie au lancement effectif de ce programme avant la fin de l’année en cours.

Quel montage financier pour ce programme ?

Ce sont 25 milliards de dirhams que ce programme d’aides directes aux familles devrait coûter au titre de l’année 2024. Cette enveloppe budgétaire devrait atteindre 29 milliards de dirhams à partir de 2026. Et cela vient en plus des 10 milliards de dirhams que l’État alloue chaque année dans le cadre de la généralisation de l’assurance maladie obligatoire (AMO) aux familles en situation de pauvreté et de précarité.

Au total, ce chantier colossal, comprenant le volet de la couverture médicale ainsi que celui de l’aide sociale directe, devrait nécessiter un budget de 40 milliards de dirhams à l’horizon 2026.

Pour les trois prochaines années, l’État va contribuer à hauteur de 20 milliards de dirhams. Le secteur privé va également participer. L’exécutif table sur 6 milliards de dirhams qu’il va tirer des recettes fiscales liées à la contribution sociale de solidarité des entreprises, en complément des recettes fiscales provenant de l’activation de la contribution de compensation pour les biens et avoirs établis à l’étranger.

La réorientation des fonds destinés à plusieurs anciens programmes de soutien devrait permettre à l’État de disposer de quelque 15 milliards de dirhams. Au titre de l’année 2024 uniquement, 9 milliards de dirhams seront puisés des réserves du Fonds d’appui à la cohésion sociale. Enfin, 12 milliards de dirhams seront progressivement mobilisés d’ici à l’année 2026, après un trimestre à compter du début du décaissement des subventions directes.

Il convient de rappeler que les autorités ont pris acte de l’impossibilité d’assurer en même temps le financement des aides sociales directes tout en supportant l’intégralité du coût du système de compensation, dont les charges ont atteint, entre 2015 et 2023, pas moins de 174 milliards de dirhams.

Comme le dit le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baïtas, le Maroc va passer « du soutien de l’offre au soutien de la demande ». Autrement dit, sortir d’un système qui nourrissait quelque part des inégalités de moins en moins acceptables dans un pays qui se veut désormais phare du continent africain pour un autre où le chef de famille, c’est-à-dire l’État sous l’autorité du souverain chérifien, signifie à chacun de ses enfants, c’est-à-dire les citoyens, qu’il est non seulement sensible à son éventuelle détresse mais qu’il veut aussi lui apporter sa part de solution, fût-elle modeste bien que coûteuse.


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