Le beau film de Leyla Bouzid décrit la rencontre entre un Français d’origine algérienne et une Tunisienne tout juste installée à Paris. Une histoire d’amour et de désir, un long métrage à ne pas manquer ce mercredi 19 juillet à 20 heures 55 sur Arte et disponible sur arte.tv.
Le deuxième film de la Tunisienne Leyla Bouzid avait été remarqué au Festival de Cannes 2021 où il était présenté en clôture de la Semaine de la critique. Une histoire d’amour et de désir – très beau titre – prend à rebours de nombreux clichés. Il met en scène Ahmed, 18 ans, Français d’origine algérienne. Un gars de banlieue qui découvre les bancs de la fac, et pas n’importe laquelle, la Sorbonne.
Le jeune homme, lettré et timide, y rencontre Farah, une jeune Tunisienne fraîchement débarquée à Paris. Elle rêve de liberté, de bohème et d’amour.
À découvrir
La cité jase
Ahmed cherche sur Google comment faire visiter la capitale à la belle étrangère. Elle boit du vin, il boit du Coca. Il n’a jamais mis les pieds en Algérie et ne parle pas un mot d’arabe, elle l’écrit parfaitement. Elle habite une chambre de bonne, il vit chez ses parents, entre un père dépressif depuis qu’il a quitté l’Algérie durant les années noires, ancien journaliste réduit au chômage, et une mère sacrificielle. Sa sœur, Dalila, a une relation avec un garçon. La cité jase et le grand frère est sommé de la rappeler à l’ordre. Sa réputation est en jeu. Ahmed peine à jouer ce rôle de mec machiste qu’on lui assigne. On le traite de « Parisien », ce qui n’est pas une mince insulte. Il est amoureux et empêché, tiraillé entre un puritanisme viril et un désir irrépressible.
Émancipation difficile
La belle idée du film est de faire se croiser les trajectoires d’Ahmed et de Farah dans la salle de cours de la Pr Morel. Cette dernière enseigne la littérature érotique arabe du XIIe siècle.
La découverte de la sensualité passe par les mots et la langue, parfois très crue, dans la poésie arabe du Moyen Âge. On apprend au passage qu’il existe un vocabulaire riche et fleuri pour désigner le pénis (le batteur, le frotteur, le chauve, le honteux…).
La littérature arabe et proche-orientale ne se résume pas aux Mille et Une Nuits. Farah offre à Ahmed Le Jardin parfumé, de Cheikh Nefzaoui (de son nom complet La Prairie parfumée où s’ébattent les plaisirs), sorte de Kama Sutra tunisien, un classique de l’érotologie. Un de ces livres qu’on peut ne lire que d’une main. Ahmed le substitue à YouPorn. Le premier pas d’une émancipation difficile. Quand l’étudiant ose enfin prendre la parole en public, le temps d’un exposé, il fait l’éloge d’un auteur qui refuse de vivre charnellement son amour. « Dans la poésie arabe, on ne compte plus les poètes morts de chagrin d’amour », conclut doctement Ahmed, encore pétri de platonisme mortifère.
Regard des autres
Sami Outalbali (le Rahim pas vraiment vierge de la deuxième saison de Sex Education) est très juste dans le rôle de ce jeune Arabe frustré, écrasé par les conventions, les interdits et le regard des autres. Face à lui, Zbeida Belhajamor, dont c’est ici le premier rôle dans un long-métrage, est une Farah magnifique. Pas une fille facile. Une femme amoureuse. La puissance du désir féminin est dévastatrice. Voluptueuse et ravageuse
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