Vidéo. Plutôt que déboulonner la statue de Bugeaud, « homme condamnable », Périgueux y ajoute un rappel historique

Le maréchal Bugeaud désormais à pile ou face, d’un côté « le grand homme de guerre », de l’autre « l’homme condamnable ». À Périgueux, sur la place qui porte son nom, depuis ce mardi 5 septembre 2023, 170 ans jour pour jour après l’érection de la statue de Thomas Robert Bugeaud, marquis de la Piconnerie, duc d’Isly (1784-1849), la Ville a choisi de « regarder l’Histoire droit dans les yeux ».

Jeanne-Thérèse Bontinck, cheffe du projet patrimoine de Périgueux, a présenté la statue réalisée par le sculpteur Auguste Dumont, également auteur de celle d’Excideuil.
Jeanne-Thérèse Bontinck, cheffe du projet patrimoine de Périgueux, a présenté la statue réalisée par le sculpteur Auguste Dumont, également auteur de…

Le maréchal Bugeaud désormais à pile ou face, d’un côté « le grand homme de guerre », de l’autre « l’homme condamnable ». À Périgueux, sur la place qui porte son nom, depuis ce mardi 5 septembre 2023, 170 ans jour pour jour après l’érection de la statue de Thomas Robert Bugeaud, marquis de la Piconnerie, duc d’Isly (1784-1849), la Ville a choisi de « regarder l’Histoire droit dans les yeux ».

Jeanne-Thérèse Bontinck, cheffe du projet patrimoine de Périgueux, a présenté la statue réalisée par le sculpteur Auguste Dumont, également auteur de celle d’Excideuil.
Jeanne-Thérèse Bontinck, cheffe du projet patrimoine de Périgueux, a présenté la statue réalisée par le sculpteur Auguste Dumont, également auteur de celle d’Excideuil.

Stéphane Klein/ « Sud Ouest »

« Nous le savons aujourd’hui, le maréchal Bugeaud n’a jamais été un héros », a déclaré solennellement en cette date anniversaire Delphine Labails, maire socialiste de Périgueux, lorsqu’elle a dévoilé un panneau explicatif et pédagogique sur l’histoire du militaire « érigé en héros dans la France du XIXe siècle ».

« Un souvenir populaire »

Sur le socle de la statue, réalisée par Auguste Dumont, « qui fut Grand Prix de Rome », Thomas Robert Bugeaud, issu d’une famille noble du Périgord vert, est toujours « celui qui a vaincu, pacifié et colonisé l’Algérie », ainsi que « l’ami et conseiller des laboureurs, qui a aimé et pratiqué l’agriculture ». En particulier dans ce Périgord où il fut maire d’Excideuil (où il a aussi sa statue) et créateur du premier comice agricole français à Lanouaille. Si on baisse le regard, Bugeaud, est cette fois « un homme condamnable lié à l’histoire coloniale de la France », symbole de sa barbarie en Algérie.

« Bugeaud a déclaré sans sourciller ‘‘ Eussé-je 50 000 femmes et enfants devant moi, je mitraillerais’‘ »

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Une réalité qui n’a plus rien d’une révélation ici, notamment depuis les déclarations tranchantes du journaliste politique Jean-Michel Aphatie sur « l’assassin Bugeaud », dans la continuité du rapport de l’historien Benjamin Stora. Un an plus tôt, en juillet 2020, localement, un collectif d’artistes lui avait déjà passé la corde au cou, invitant le quidam « à tirer la corde dans le sens de l’Histoire ».

La plaque explicative s’intéresse à la fois à la statue comme objet, et à l’histoire du militaire, considéré longtemps comme un défenseur de la patrie.
La plaque explicative s’intéresse à la fois à la statue comme objet, et à l’histoire du militaire, considéré longtemps comme un défenseur de la patrie.

Stéphane Klein/ « Sud Ouest »

En Dordogne, où il a laissé « un souvenir populaire », département rural, longtemps plus prompt à célébrer la figure du « soldat laboureur » que l’ennemi des Algériens et de la République, plusieurs responsables politiques et associatifs s’étaient opposés en 2020 au déboulonnage de la statue, plaidant une meilleure pédagogie historique. Sans afficher pour autant la complaisance du polémiste Éric Zemmour, qui en 2019, s’était déclaré « du côté du général Bugeaud ».

On peut toujours lire ceci sur le socle de la statue : « Celui qui a vaincu, pacifié et colonisé l’Algérie », en dépit de la barbarie coloniale.
On peut toujours lire ceci sur le socle de la statue : « Celui qui a vaincu, pacifié et colonisé l’Algérie », en dépit de la barbarie coloniale.

Stéphane Klein/ « Sud Ouest »

« Ne pas réécrire l’Histoire », mais lui « reconnaître ses parts sombres en y incluant la colonisation, la participation au système esclavagiste, la collaboration du régime de Vichy » : c’est le parti pris retenu par la Ville de Périgueux. Pas de déboulonnage donc. À l’heure des discours, la première magistrate a choisi, dans la place qui continuera à s’appeler Bugeaud, de s’entourer des élus en charge de la contribution mémorielle, aux côtés de l’opposition « invitée » dont son prédécesseur de droite, Antoine Audi.

De nombreux massacres

« On doit à Bugeaud de nombreux massacres de civils, je pense en particulier à l’enfumade qui eut lieu dans les grottes du Dahra (NDLR : massacre commis le 19 juin 1845 alors que Bugeaud était gouverneur général de l’Algérie) », a rappelé Olivier Le Cour Grandmaison, enseignant en science politique et philosophie politique à l’université d’Évry-Val-d’Essonne. Présent en 2022 au colloque « Paix et réconciliation 60 ans après la guerre d’Algérie », organisé à Périgueux, il a accepté de partager ses connaissances sur la Révolution française et l’histoire coloniale.

Les enfumades, utilisées par le corps expéditionnaire français durant la conquête de l’Algérie, en 1844 et 1845, consistaient à asphyxier des personnes réfugiées ou enfermées dans une grotte, en allumant devant l’entrée des feux. D’après les témoins, des tribus entières furent massacrées, soit des milliers de victimes.

La statue a été érigée il y a pile 170 ans sur cette place centrale de Périgueux, autrefois appelée place du triangle.
La statue a été érigée il y a pile 170 ans sur cette place centrale de Périgueux, autrefois appelée place du triangle.

Stéphane Klein/ « Sud Ouest »

« C’est Bugeaud qui déclara sans sourciller : ‘‘Eussé-je 50 000 femmes et enfants devant moi, je mitraillerais.’‘ Ou encore : ‘‘Si les gredins (les Arabes) se retirent dans leurs cavernes, […] fumez-les comme des renards’’ », rappelle Olivier Le Cour Grandmaison. « Bugeaud fut un adepte de la guerre totale », un vocable qui « cache l’effondrement de la distinction entre soldats et populations civiles », et « un des premiers à théoriser la guerre contre-révolutionnaire en milieu urbain ».

Pour lui, l’initiative symbolique de Périgueux devrait inspirer d’autres villes, comme Limoges, ville natale du maréchal, et plus encore Paris. « Nous, héritiers de la colonisation, espérons que la pose de cette plaque sera suivie d’autres. Ce qui est vrai à Périgueux doit l’être encore plus dans la capitale », espère l’universitaire.

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