Histoire du LHC: Samira Marquis estime que Svoboda n’est qu’une parenthèse

Samira Marquis, directrice générale de la Vaudoise aréna, se confie à Blick à l’occasion de la première année d’exploitation complète de son campus sportif et événementiel.

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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Solaire, vive, déterminée. Samira Marquis ouvre la porte de son bureau, son portable vissé à l’oreille. La directrice générale de la Vaudoise aréna — campus sportif événementiel monstre qui vient de vivre sa première année d’exploitation complète — nous fait poliment patienter. Le temps de terminer sa discussion.

La petite pièce, située dans le bâtiment entre la patinoire du Lausanne Hockey Club (LHC) et la piscine olympique ouverte au public, est beaucoup moins colorée que la personnalité de la quinquagénaire. Rien d’ostentatoire à signaler. Tout est lisse, sauf son discours.

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Née en Iran, la dirigeante, spécialiste de l’évolution des entreprises, porte avec courage la voix des femmes de son pays d’origine. Elle aborde en outre sans ambages l’ouragan Petr Svoboda, du nom de l’ex-actionnaire minoritaire du Lausanne Hockey Club (LHC) et ancienne gloire de NHL. Interview.

Samira Marquis, commençons par les présentations. Qui est Madame Marquis?
Je suis une femme de 56 ou 57 ans, je ne sais plus (rires)! Par là-autour. Quand vous êtes une hyperactive comme moi, le temps et l’âge n’ont pas de prise. Je suis épouse et maman d’une jeune femme de 20 ans, c’est un élément important de ma vie. Je suis aussi une femme dirigeante avec une longue carrière au niveau des comités de direction. J’ai différentes facettes comme beaucoup de femmes d’aujourd’hui.

Et qui est Samira?
Celle qui se trouve en face de vous. Sans filtre. Je suis née en Iran, pays que j’ai quitté en 1981 après la révolution pour m’installer en Suisse avec ma famille. Nous y avions des liens étroits de longue date. Ma maman a notamment fait une partie de sa scolarité en Suisse. Nous nous sommes installées à Lutry (VD).

Vous êtes la digne descendante d’une sacrée lignée de femmes! En Iran, votre grand-mère était chirurgienne et votre maman diplomate. C’est d’elles que vous puisez vos ambitions?
Je crois, oui. L’éducation a une grande importance dans ma famille et l’exigence était la même en la matière pour les filles et les garçons. C’est valable pour beaucoup de familles iraniennes. C’est notre patrimoine. Plus qu’obtenir tel ou tel titre, c’est le fait de vouloir apprendre qui a toujours guidé mes choix.

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«Le climat politique et social est étouffant en Iran. À tout moment, le pire peut arriver»Samira Marquis, directrice générale de la Vaudoise aréna

Vous avez toujours de la famille en Iran?
Oui, mes oncles et mes tantes. J’y ai encore une maison. Depuis 2017, nous n’y sommes plus retournés avec ma fille et mon mari. Ma mère, elle, y va de temps en temps.

Vous n’y êtes plus allés parce que…
Parce que j’ai une jeune fille qui a 20 ans et que je n’ai pas envie de la mettre en danger. J’ai peur qu’elle se fasse arrêter de façon arbitraire. C’est un pays merveilleux, avec une culture ancestrale. Mais le climat politique et social y est étouffant. À tout moment, le pire peut arriver.

Vous n’y retournerez plus?
Je pense être davantage utile en diffusant la voix des femmes iraniennes depuis la Suisse. M’exposer en retournant en Iran, ça n’apporterait rien. Je préfère soutenir des associations et diffuser des messages en parlant à des journalistes, comme aujourd’hui.

Vous avez peur quand votre mère voyage en Iran?
Oui, d’autant plus qu’elle est assez… téméraire.

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La pomme n’est pas tombée loin de l’arbre!
(Rires) C’est vrai. À chaque fois que je l’amène à l’aéroport, je lui dis: «S’il te plaît maman, quand tu seras dans le taxi, ne discute pas politique avec le chauffeur!» Mais c’est une femme libre qui fait ce qu’elle veut, quand elle veut. Cette liberté d’expression et cette liberté d’action sont des biens précieux.

«J’ai toujours navigué en eaux masculines. Cela s’est fait comme ça, ce n’est pas un choix»Samira Marquis, directrice générale de la Vaudoise aréna

Revenons à Prilly, à la Vaudoise aréna. Vous avez largement pu observer la dynamique du pouvoir dans les milieux masculins durant votre parcours. Ce bagage est un vaccin obligatoire avant de mettre le pied dans une patinoire, un milieu encore plus viril que celui du football?
Vous savez, avant, j’étais dans l’horlogerie, et j’ai fait une carrière dans l’industrie… À la Vaudoise aréna, j’ai trouvé un environnement plutôt accueillant. Aussi parce que les gens étaient dans un premier temps surpris et plutôt aidant: «Tiens, voilà une femme qui n’est pas issue du sérail… Elle n’y connaît rien… La pauvre!»

Prendre la barre à l’endroit où les hommes se croient chez eux, c’est une volonté militante?
J’ai toujours navigué en eaux masculines. Cela s’est fait comme ça, ce n’est pas un choix. Je ne crois pas qu’il faille ramener ma mission à une question homme-femme. Ce n’est en tout cas pas comme cela que je la vois. C’est plutôt une question de compétence et de capacité à rapidement comprendre et à s’adapter à l’écosystème. Il faut parvenir à s’inscrire dans une démarche collective au service de la Vaudoise aréna. En clair: mobiliser tous les acteurs et les fédérer pour que cette infrastructure publique rayonne et se développe de façon durable et sereine.

Samira Marquis confirme que les ambitions événementielles de la Vaudoise aréna ont été revues à la baisse.

Et les femmes, changent-elles?
Tout à fait! Elles osent davantage, elles se soutiennent, notamment au travers des réseaux professionnels féminins. Pour revenir aux hommes, j’ai aussi appris à communiquer sans prendre de détour avec eux et en étant plutôt très directe. Je n’ai toutefois jamais voulu les singer. J’essaie de rester fidèle à qui je suis et à mon éducation, c’est ainsi que j’arrive à m’imposer. Même si ce n’est pas toujours facile.

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Justement. Certains ont dû vous savonner la planche…
Cela ne m’intéresse pas beaucoup.

Vous ne l’avez jamais perçu?
Je pense être suffisamment fine pour le percevoir quand cela se produit. Mais il faut vivre avec. Quand vous occupez une position de femme dirigeante, vous êtes un cas encore malheureusement à la marge. Dans les conseils d’administration, les choses ont passablement évolué. Mais au niveau des femmes CEO ou des comités de direction, il reste du boulot. Ce n’est pas encore la norme, cela changera. D’ici là, il faut faire fi des obstacles.

Vous êtes entrée en fonction en juillet 2023, après avoir assurée pendant 18 mois l’intérim. Une période d’une année et demie consécutive à une crise au sein de la direction. Il se murmure que vous avez su pacifier la situation. Vous êtes la sauveuse que tout le monde attendait?
Je ne crois pas du tout à ce concept d’homme ou de femme providentielle.

Même pas Charles de Gaulle?
Même pas (rires). Je n’en ai jamais vu. Ou alors pendu au bout d’une corde.

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«Au regard du patrimoine du LHC, l’épisode Petr Svoboda est un point-virgule»Samira Marquis, directrice générale de la Vaudoise aréna

Vous êtes arrivée à Prilly à la croisée de deux mondes. Vous avez connu l’ex-actionnaire minoritaire du LHC et ancienne gloire de NHL Petr Svoboda juste avant son départ tumultueux. Les relations entre le conseil d’administration du Centre Sportif de Malley et le LHC se sont-elles améliorées depuis qu’il est loin?
J’ai une opinion très tranchée sur cette question. Le LHC, c’est un club, une entreprise, qui a 100 ans d’histoire. Au regard de ce patrimoine, l’épisode Petr Svoboda est un point-virgule.

Seulement un point-virgule?
Allez, soyons gentils: une parenthèse. C’est toujours la même chose quand vous êtes aux manettes d’une entreprise qui par sa longévité s’impose comme une institution. Vous pouvez vous laisser glisser et finir par penser en être le garant. Mais au regard du temps et de la chaîne de transmission, vous n’êtes que de passage. Ce n’est pas le temps qui passe, juste nous les humains.

Qu’est-ce que cela signifie?
Vous partez demain? L’entreprise vivra. Elle vous dépasse et vous transcende. Et ce n’est pas bien grave! Dans notre contexte, l’important, ce sont les joueurs sur la glace, tout comme l’horloger qui fabrique sa montre. Ce sont eux, qui créent la valeur. Tout le reste n’est que fioriture.

Vous vous entendez donc bien avec le LHC?
Oui, depuis le premier jour. J’ai une approche très pragmatique: le club est mon plus gros locataire et il paie son loyer, donc… (Rires) Plus sérieusement, tout le monde a intérêt à instaurer des relations respectueuses et courtoises. Il peut parfois y avoir des divergences de vues. Mais personne ne gagne si celles-ci se transforment en conflits.

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Petr Svoboda a choqué en déclarant en début d’année dans un podcast en Amérique du Nord qu’il avait découvert le racisme et la haine en Suisse. Vous savez à quoi il fait allusion?
Je n’ai pas compris pourquoi il avait dit cela. Ce que je peux affirmer, c’est que moi, en tant que femme issue de l’immigration, je n’ai jamais vécu le moindre manque de respect. Peut-être une question d’attitude aussi.

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Restons dans l’enceinte de la patinoire de la Vaudoise aréna. Il y a 7000 spectatrices et spectateurs par match en moyenne, ce qui fait un taux de remplissage de 73%. Que faire pour améliorer ce nombre?
Vous avez vu ce qu’il se passe ces derniers jours (ndlr: Le LHC s’est qualifié le soir même de cette interview pour la finale des play-off de National League)? La fréquentation dépend évidemment beaucoup des joueurs et de leurs performances. En coulisse, toutes les équipes essayent de faire en sorte qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes. J’ai le sentiment que la mayonnaise prend, que les fans s’approprient désormais réellement la Vaudoise aréna.

Qu’est-ce qui vous rend si optimiste?
Plusieurs signaux. Par exemple, avant un match contre Servette, la rumeur courait que la Vaudoise aréna pourrait être taguée de nuit. Des fans ont patrouillé pour surveiller et protéger l’enceinte jusqu’à l’aube. C’est leur maison. Je trouve cela très touchant qu’ils en prennent autant soin. Je les en remercie.

Quoi d’autre?
La fréquentation globale de la Vaudoise aréna: plus de 700’000 visiteurs en 2023, dont la moitié au centre aquatique. N’oublions pas non plus les autres clubs résidents et disciplines comme l’escrime, le patinage ou le tennis de table qui ont aussi leur raison d’être dans ces murs.

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Vous avez raison de le rappeler, la Vaudoise aréna, ce n’est pas que le LHC. Cependant, depuis le Covid, le monde a beaucoup changé. Aujourd’hui, on ne trouve aucun autre endroit en Suisse où il y a des matches et des concerts au même endroit. Même Zurich a abandonné. N’avez-vous pas raté un virage?
Si votre question a pour objectif de savoir si nous prévoyons de devenir le Hallenstadion, la réponse est non. Nous sortons de notre première année d’exploitation complète. Nous avons désormais du recul nécessaire. Les concerts et spectacles sont clairement un complément à l’ensemble de notre activité. C’est ainsi que l’aréna a été conçu. De plus beaucoup d’efforts ont été faits pour organiser et améliorer l’efficacité des conversions en mode spectacle et cela fonctionne bien.

Cela veut-il dire que les ambitions initiales, qui projetaient une cinquantaine de concerts par an, ont été drastiquement revues à la baisse?
L’entité événementielle ambitionne actuellement de faire une trentaine de soirées par an.

C’est réaliste?
C’est très ambitieux. Cette année, nous en avons eu une dizaine. Le quartier de Malley est en plein développement et l’accès par les transports publics va encore s’améliorer mais il faudra aussi gérer la cohabitation entre la foule des grands événements avec le voisinage, les familles, les employés de bureau qui s’y installeront. Nous sommes également en train de mener une réflexion sur les priorités de disponibilité des équipements et des espaces.

Votre spécialité, c’est faire évoluer les entreprises. Le monde vit aujourd’hui une nouvelle révolution numérique avec l’essor de l’intelligence artificielle. En quoi cela vous concerne?
Nous en sommes conscients et accélérons les processus de numérisation. Nous nous dotons de tous les outils nécessaires pour une gestion financière rigoureuse et maîtrisée et aussi pour cibler et répondre mieux aux besoins de nos visiteurs et partie-prenantes. Côté sportif, le LHC utilise aussi les données pour mesurer les performances sportives et la forme des joueurs. Cela influence déjà certaines décisions.

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