Histoire vraie : Les Sentiers de la Gloire s’inspire d’authentiques cas de “justice militaire” – et ils sont glaçants

Mises à mort « pour l’exemple », parodie de procès… Durant la 1ere Guerre Mondiale, les cours martiales françaises ont été entachées de scandales.

“À situation exceptionnelle, mesures d’exceptions”. En pleine guerre de 14-18, cet adage trouve un bien sinistre écho, au cœur du sytème judiciaire qui régit les tranchées. Les Sentiers de la Gloire explore cette part sombre de l’histoire militaire nationale loin, très loin, de l’image d’Épinal d’un corps armé encadré par des lois infailliblement probes, et équitables.

Pour mettre en scène les dérives martiales d’alors, Stanley Kubrick s’est inspiré de faits réels ; ceux de sordides condamnations rendues par la “justice” française. Un coup de projecteur à l’accent anti-militariste dont se seraient bien passé les ex “Alliés”, et qui a valu au film plusieurs interdictions nationales de diffusion ainsi qu’une sortie hexagonale différée de… Treize ans. Focus.

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Un allé sans retour vers l’Enfer

Piqûre de rappel. Le récit des Sentiers de la Gloire s’ancre en 1916, dans la boue des tranchées françaises. Deux années de conflit intensif contre l’ennemi allemand n’ont mené qu’à l’enlisement ; le moral des troupes est en berne. Il y a les copains qui laissent leur peau au combat, les conditions de vie misérable et cette guerre que les soldats espéraient “express”, mais qui dure, dure, au rythme d’affrontements de position effroyablement meurtriers.

Comment changer la donne ? Le général de division français Broulard a sa petite idée. Persuadé qu’il tient là un coup stratégique, le militaire ordonne à son subordonné, le général Birdeau, de s’emparer d’une colline tombée aux mains des “boches”. Voyant là l’opportunité de monter en grade, ledit subordonné qui, précisons-le, estime que “être commotionné ça n’existe pas” et que tout soldat évoquant ses traumas est une “poule mouillée”, lance l’attaque à distance. Ce, grâce à un régiment mené sur le terrain par l’intègre colonel Dax (Kirk Douglas).

Précision nécessaire : il s’agit d’une opération suicide. De sorte que les soldats qui s’y risquent sont massacrés, tandis que d’autres, conscients du danger, refusent de quitter leurs tranchées. Un scandale, aux yeux du général Birdeau, qui requiert qu’on tire au canon sur ses propres troupes, histoire de… Les “motiver”. L’artillerie refuse d’ouvrir le feu, les soldats battent en retraite – bref, l’attaque française se clôt sur un échec cuisant. Une vraie débâcle. Et pour éviter d’en porter la responsabilité, le général Birdeau fait diversion en traduisant le régiment du colonel Dax en cour martiale pour “lâcheté devant l’ennemi”. Sans oublier d’exiger qu’une centaine de ses soldats soient fusillés. Pour “l’exemple”.

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Derrière la fiction, d’authentiques cas de “justice expéditive”

Aussi cruels qu’iniques, les agissements du général Birdeau ne sont malheureusement pas “pure invention”, puisqu’ils s’inspirent directement du parcours du général d’infanterie Réveilhac, tristement célèbre pour son mépris de la vie de ses hommes. En 1915, le gradé exige que son artillerie ouvre le feu sur une tranchée française, puis fait passer en court martiale les membres d’un régiment ayant refusé de participer à un assaut-suicide. Quatre hommes sont fusillés : la France se souviendra d’eux comme “les caporaux de Souain”. 

Mais comment ces mises à mort ont-elles été rendues possibles ? À l’orée de la Première Guerre Mondiale, la justice militaire française se transforme en “justice d’exception”, à coup de décrets qui gomment, les uns après les autres, certaines mesures, institutions et droit fondamentaux de la législation française. Notamment le sursis, le recours en révision et le droit de grâce. 

Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, au terme du conflit, non seulement le général Réveilhac ne sera pas inquiété, en vertu de la loi d’amnistie votée en 1919, mais il recevra le titre de grand officier de la Légion d’honneur. Quant au quatuor de soldats tués “pour l’exemple”, il faudra le combat d’une vie de l’épouse d’un des défunts, Blanche Maupas, pour qu’ils soient réhabilités en 1934.

Autre référence historique. Dans Les Sentiers de la Gloire, trois “poilus” tombent sous la menace d’une peine de mort. Au terme d’un procès biaisé, où le général Dax – avocat dans le civil – déploie, en vain, tous ses talents pour défendre la cause de ses soldats, tous finissent par être condamnés. L’un d’eux est amené devant le peloton d’exécution sur une civière, puis réveillé avant l’ouverture du feu. Cette séquence, qui dit et dénonce l’absurdité des cours martiales, est basée sur le triste destin du sous-lieutenant Jean-Julien Chapelant, mis à mort par les forces françaises le 11 octobre 1914 pour s’être rendu aux allemands.

Lors de l’exécution de la peine, le soldat était ficelé sur un brancard lui-même fixé à un arbre. Gravement blessé aux jambes lors d’un assaut mené contre l’ennemi, il était incapable de tenir debout. Au cimetière d’Ampuis, on peut encore lire sur sa tombe l’inscription suivante, apposé par l’Union des Mutilés et Anciens Combattants : “Les anciens combattants à leur frère d’armes Jean Julien Marius Chapelant, martyr des cours martiales”.

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L’antimilatarisme, la guerre de Kubrick ?

Au total, environ 2500 soldats français ont été condamnés à mort par des conseils de guerre – pour la plupart sous la forme de lugubres parodies de procès. Que ce soit pour abandon de poste, mutilations volontaires, désobéissance… Au total, un peu plus de 600 militaires ont été fusillés “pour l’exemple”. 

En voulant leur rendre hommage, à eux et à tous les autres “martyrs des cours martiales”, Stanley Kubrick a évidemment touché une corde sensible. Au moment de la première diffusion américaine du film, en 1957, le souvenir de la Seconde Guerre Mondiale qui avait, à nouveau, opposé la France et l’Allemagne est encore vif. L’idée qu’un réalisateur américain tourne un film qui dénonce les dérives d’une armée alliée plutôt qu’anciennement ennemie surprend – et indigne. 

À peine sortie outre-Atlantique, l’œuvre est bannie de toutes les bases militaires américaines, l’Espagne fasciste de Franco l’interdit et la Suisse, à son tour, empêche la distribution du film au motif que celui-ci serait “incontestablement offensant” envers la France amie. Pendant ce temps, le gouvernement de ladite France amie exerce une pression colossale sur le distributeur hexagonal du film, United Artist, afin de bloquer sa diffusion sur son territoire. De sorte que c’est seulement en 1975, dans une atmosphère post Mai-68 peu encline à défendre le militarisme, que le film sort. 

Guère intimidé par le tombereau de critiques auxquelles s’était heurté ses Sentiers de La Gloire , Stanley Kubrick persiste et signe dans son antimilitarisme en produisant, au fil de sa carrière, d’autres œuvres s’inscrivant dans le même sillon. Il y a le brûlot satirique du complexe militaro-politique made in US, Docteur Folamour puis, bien sûr, l’âpre récit de la guerre du Vietnam avec Full Metal Jacket. Vous savez ce qu’on dit, non ? Anti-militariste un jour…

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