Le film Napoléon est tellement éloigné de la vérité historique que ça donne le vertige ! Voici les faits omis et altérés par Ridley Scott

Il est toujours délicat pour un réalisateur de porter sur grand écran l’Histoire avec un grand H. Réaliser un film historique consiste en une succession (consciente ou non) de choix. Les éléments montrés, mais aussi ceux altérés, fantasmés, inventés, voire occultés, donnent une vision “contemporaine” du passé et d’une certaine manière le réécrivent. Salués par la critique et aimés du grand public, Bohemian Rhapsody (2018), Gladiator (2000) et bien entendu Braveheart (1995) sont des exemples marquants de l’impact du 7e Art sur notre perception de l’Histoire. Napoléon (2023) est même plus pernicieux. Le film réalisé par Ridley Scott avec Joaquin Phoenix prend des libertés avec la réalité historique et ment par omission.

Est-il ne serait que possible de réaliser un film historique 100% fidèle à l’Histoire ? L’Histoire elle-même est faite de divergences d’opinions, de textes qui se contredisent partiellement, même si les faits restent souvent les faits. La prise de la Bastille a bel et bien eu lieu le 14 juillet 1789 et le sacre impérial de Napoléon Bonaparte le 18 mai 1804. Toutefois, les cinéastes s’arrangent parfois avec la chronologie des événements et donc de l’espace et du temps pour coller à leur vision “cinématographique”. Ce fut le cas de Braveheart et Gladiator qui n’ont aucune légitimité historiquement parlant. Exception faite de certaines figures et événements historiques relatés, tout n’est ici que fiction. Sans aller aussi loin dans la réécriture du passé, Ridley Scott observe en 2023 l’histoire de Napoléon à travers un prisme qui n’appartient qu’à lui avant de l’imprimer sur pellicule.

Sommaire

  • Napoléon Bonaparte par Ridley Scott
  • Joséphine ou la vision hollywoodienne de la femme
  • L’Histoire “arrangée” de France
  • L’art de la tromperie et du mensonge

Napoléon Bonaparte par Ridley Scott

Joaquin Phoenix qui interprète Napoléon Bonaparte dans le film éponyme de Ridley Scott est clair quant aux intentions du cinéaste américano-britannique. Sa déclaration faite auprès de nos confrères d’Empire Magazine ne laisse planer que peu de doute sur la direction prise par le réalisateur. Le long-métrage Napoléon n’a pas pour but de retracer fidèlement et factuellement la vie d’un officier de l’armée devenu empereur des Français, mais de capturer l’essence d’un homme qui a marqué l’Histoire de la France et de l’Europe.

Si vous voulez vraiment comprendre Napoléon, vous devriez probablement faire vos propres études et lectures. Parce que si vous voyez ce film, c’est une expérience racontée à travers les yeux de Ridley (Scott). C’est un monde tellement complexe. Je veux dire, c’est une pùt@1n de complexité. Ce que nous recherchons, c’était quelque chose qui capture les sentiments de cet homme. – Joaquin Phoenix (interprète de Napoléon Bonaparte)

L’acteur oscarisé pour son interprétation du clown de Gotham dans Joker (2019) explicite sa démarche et prouve qu’il partageait avec Ridley Scott une vision proche, si ce n’est commune. Napoléon (2023) est un film inspiré de l’Histoire, mais qui s’affranchit des, je cite “conventions du biopic”. Et c’est un fait. Cette fresque militaire et amoureuse fait fi des règles du genre, bien qu’elle conserve une structure chronologique des événements et se dote de “cartouches” pour rappeler dates et lieux de chaque “chapitre” mis en images de la vie de Bonaparte. L’esprit à l’origine d’Alien (1979) et Blade Runner (1982) recherche le “vrai” Napoléon, le militaire, le génie visionnaire, le sanguinaire, mais aussi celui de la sphère privée, celui de Joséphine de Beauharnais. Il l’exprime ainsi :

C’était un travail très difficile, parce qu’il est si facile de commencer à parler de batailles quand je veux parler de Napoléon. J’ai donc continué à me restreindre, à revenir à Joséphine. – Ridley Scott (réalisateur de Napoléon)

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Joséphine ou la vision hollywoodienne de la femme

Tu n’es rien sans moi. – Napoléon Bonaparte / Joséphine de Beauharnais (interprétés par Joaquin Phoenix et Vanessa Kirby)

Cette réplique résume assez bien la dynamique de couple entretenue par Napoléon Bonaparte et Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie, à savoir une relation fusionnelle, tumultueuse et toxique aussi bien pour le natif de l’île de Corse que pour l’impératrice connue sous le nom de Joséphine de Beauharnais. Ridley Scott se focalise durant les 2h38 du film sur cet amour, et cherche à découvrir la véritable Joséphine, quitte à délaisser bien souvent le pan militaire de la vie de l’empereur des Français. L’actrice Vanessa Kirby (la saga Mission Impossible, Jupiter Ascending) décrit de cette manière son processus de déconstruction d’une figure historique complexe pleine de contradictions :

Ce qui était si difficile, et si insaisissable, à son sujet, c’est que chaque livre, qu’il s’agisse de récits de première main, de récits de troisième main, de documents, de témoignages et de lettres de Napoléon… tous étaient complètement différents. Elle n’était qu’une énorme contradiction. Chaque fois que je pensais avoir fait le tour de la question, “Voilà qui elle est, et je pense pouvoir mettre la main dessus”, quelque chose venait la contredire complètement. – Vanessa Kirby (interprète de Joséphine de Beauharnais)

Ridley Scott serait avec le film Napoléon en quête d’une vérité que nous pourrions qualifier d’humaine. Le vrai Napoléon ! La vraie Joséphine ! Dès lors, une question me taraude (et je suis ne suis probablement pas le seul). Pourquoi caster une actrice britannique, certes talentueuse, 14 ans plus jeune que Joaquin Phoenix alors que l’Histoire est catégorique sur ce point ? Joséphine de Beauharnais était l’aînée du couple, sa naissance précédant celle de Napoléon Bonaparte de 6 ans. Au-delà de l’image véhiculée d’une femme supposément du même âge mais d’apparence bien plus jeune (Vanessa Kirby et Joaquin Phoenix sont nés respectivement en 1988 et 1974), c’est l’Histoire qui est altérée et avec elle cette dynamique du couple mise en scène par Ridley Scott.

Les historiens sont formels. Joséphine de Beauharnais a une véritable emprise sur Napoléon via, non pas sa seule beauté, mais son expérience acquise par le passé. Avant de rencontrer N. Bonaparte, elle épouse Alexandre de Beauharnais, met au monde deux enfants (Eugène et Hortense), est envoyée au couvent de l’abbaye de Penthemont car soupçonnée d’adultère, retourne en Martinique, et finit emprisonnée sous la Révolution. En résumé, elle a vécu, ce qui explique en partie son ascendance attestée sur son époux. Le film retranscrit parfaitement cette dépendance, mais pas forcément pour les bonnes raisons. Le Napoléon interprété par Joaquin Phoenix transpire la jalousie, est transi d’amour pour sa femme… pour un motif finalement bien plus terre à terre… “physique”. L’histoire de cette femme (et probablement le message initial du film) finit par être dénaturée.

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L’Histoire “arrangée” de France

Comment résumer en moins de 3 heures l’existence d’un homme parmi les plus influents de l’Histoire de France et à travers lui cinq décennies d’un pays ? La tâche semble impossible, et c’est pourtant le défi relevé avec plus ou moins de réussite et de fidélité par Ridley Scott. Le réalisateur a fait des coupes drastiques, ignorer des années entières de la vie de Napoléon Bonaparte pour se concentrer sur ses hauts faits militaires, sa romance avec Joséphine de Beauharnais et les enjeux politiques qui embrasent l’Europe du début du XIXe siècle. Il passe ainsi sous silence certains des pires aspects de l’ascension puis du “règne” du natif d’Ajaccio. Pourtant, ses déclarations sur Bonaparte sont des plus explicites, des propos qui risquent d’offusquer les franges les plus conservatrice de la sphère politique française. R. Scott résume Napoléon Bonaparte ainsi :

Je le compare (Napoléon) à Alexandre Le Grand. Adolf Hitler. Staline. (…) Écoutez, il a beaucoup de mauvaises choses à son actif. En même temps, il était remarquable par son courage, sa détermination et sa domination. Il était extraordinaire. – Ridley Scott (réalisateur de Napoléon)

Jeter des figures historiques à la plume des journalistes est une chose. Reste à savoir à quelles facettes desdits personnages le cinéaste fait ouvertement référence auprès d’Empire Magazine. Aux conquêtes et au génie militaire du premier ? A l’autoritarisme des deux derniers ? Une chose est sûre. Ridley Scott a pris sciemment la décision de taire la politique intérieure du “gouvernement” napoléonien. En 2023, il est autorisé de qualifier le régime mis en place à l’époque de despotique. La France républicaine fantasmée à la Révolution n’est alors plus que l’ombre d’elle-même.

Sous Bonaparte, les libertés d’expression, de réunion, de circulation et de la presse sont muselées. La surveillance accrue de la population devient la norme sous la houlette de Joseph Fouché dit Fouché de Nantes (ministre de la Police sous le Directoire, le Consulat et l’Empire). Le Code Civil est bafoué. L’égalité proclamée de tous n’est aucunement respectée. La femme dépend à nouveau de son mari. Pire encore, l’esclavage est rétabli dans les colonnies françaises. Label garanti 100% français. Et c’est là où le bât blesse. Le visionnage de Napoléon (2023) laisse un goût amer, celui d’un film incomplet, inachevé, ou volontairement mensonger… par omission.

Ce n’est jamais anodin d’occulter sciemment des pans entiers de l’Histoire (souvent au profit d’autres) et de servir, sans forcément le vouloir, un agenda politique quel qu’il soit. Passer sous silence les exactions des gouvernements français successifs de cette période, c’est refuser aux spectateurs l’Histoire pour mieux lui servir un docu-fiction qui ne révèle pas vraiment sa véritable nature. A en croire Ridley Scott, Napoléon aurait tiré à “boulets rouges” sur les Pyramides de Gizeh en Egypte détruisant ainsi des monuments inscrits depuis 1979 au patrimoine mondial de l’UNESCO, et aurait assisté à l’une des exécutions par guillotine les plus symboliques de la Révolution française. Un historien a d’ailleurs fait remarquer à Ridley Scott sur TikTok l’inexactitude de ses séquences. Sa réponse fut aussi sèche que révélatrice :

Napoléon n’a pas tiré sur la pyramide. (…) Elle (Marie-Antoinette) avait les cheveux coupés pour l’exécution, et Napoléon n’était pas là. – Dan Snow (historien)

Achète toi une vie. – Ridley Scott (réalisateur de Napoléon)

Le film Napoléon est tellement éloigné de la vérité historique que ça donne le vertige ! Voici les faits omis et altérés par Ridley Scott

L’art de la tromperie et du mensonge

Le cinéma, mais aussi les séries et les animes s’imposent au XXIe siècle comme une alternative crédible au savoir, à la connaissance. Le 7e Art supplante alors l’Histoire et devient le référentiel sur une période, une figure, un peuple dans la mémoire collective. La série Vikings véhicule des idées reçues sur la culture féodale scandinave et participe à un remplacement de faits documentés par de la fiction. Combien de fans sont persuadés que la vie de Ragnar Lodbrok dépeinte dans le show TV produit par la chaîne History est exacte ? Combien de cinéphiles pensent que le général Maximus Decimus Meridius incarné par Russel Crowe dans Gladiator a bel et bien existé dans ces termes ? Les exemples sont légions. L’historicité est menacée.

La fiction vous ment par essence, et elle vous ment d’autant plus lorsqu’elle est inspirée de faits « réels” ou “historiques”. Quelle est la part de “réel” dans ladite fiction ? Comment départager le vrai du faux dans un long-métrage qui fait tout pour brandir le drapeau de la vérité sous couvert de diffuser des faits et/ou des propos factuellement erronés ? Bohemian Rhapsody avec Rami Malek est une preuve édifiante du mal que peut causer un film sur la transmission de l’Histoire. Et je n’ose pas aborder Vaincre ou Mourir financé par le Puy du Fou qui “revisite” pour ne pas dire “révise” l’Histoire de France. Si le cinéma est l’art de la tromperie, le cinéma historique peut rapidement devenir l’art du mensonge.


Sources :

  • La couverture du film Napoléon par Empire Magazine
  • « Le complexe ‘Napoléon’ de Ridley Scott » par The New Yorker

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