Les sociétés historiques francophones n’appartiennent pas au passé

La Société d’histoire francophone du Yukon (SHFY), créée en 2021, compte entre 60 et 70 membres. — PHOTO : MANON TOUFFET – L'Aurore boréale

La Société d’histoire francophone du Yukon (SHFY), créée en 2021, compte entre 60 et 70 membres.

PHOTO : MANON TOUFFET – L’Aurore boréale

FRANCOPRESSE – Composées de passionnés, de chercheurs, mais surtout de bénévoles, les sociétés historiques ont à cœur de partager l’héritage francophone de leur territoire. Elles ont cependant plusieurs défis à relever pour rester ancrées dans le présent et l’avenir.

«Quand on pense à une société d’histoire, souvent, on a un peu cet esprit de voir une étagère poussiéreuse, avec des livres poussiéreux, qui sont fort intéressants peut-être, mais pas très attractifs», regrette Alexandre Chartier, directeur général de la Société historique de la Saskatchewan.

«Oui, il y a bien une étagère de livres, parce que c’est une société de savoir, de savants, d’histoire; mais la poussière n’est qu’un stéréotype», ajoute-t-il.

Dès son arrivée au sein de l’association, en 2013, le directeur a voulu qu’elle soit partie prenante de la communauté.

«Il y a beaucoup de rayonnement à faire, de promotion […] Par exemple, dès qu’un organisme voulait travailler sur l’histoire, on leur demandait de venir nous voir et on allait travailler avec eux. Le but du jeu, ça a été de devenir presque indispensable pour la communauté», raconte-t-il.

Pour ne pas faire partie des meubles, beaucoup de sociétés tissent des partenariats avec d’autres organismes francophones. Parfois, leur survie financière en dépend.

Des sentinelles de la francophonie

En plus de préserver le patrimoine historique et culturel, les sociétés historiques francophones contribuent à renforcer le sentiment d’appartenance.

«Il y a un lien entre les besoins d’une communauté et son désir d’assoir son origine sur une histoire», explique Stéphanie St-Pierre, professeure d’histoire à l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse. Pour pouvoir, entre autres, légitimer la présence francophone sur un territoire.

Au Yukon, la société veut également partager une histoire «qui commence à être connue chez les francophones», mais qui reste encore «très méconnue chez les anglophones et les Premières Nations», déclare son président, Yann Herry.

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À la recherche de bénévoles

Si certaines sont implantées depuis des décennies, d’autres sont beaucoup plus récentes, comme celle du Yukon, créée en 2021, «la seule au nord du 60e parallèle», rappelle Yann Herry, son président.

La Société d’histoire francophone du Yukon (SHFY) compte entre 60 et 70 membres, mais très peu de moyens.

«L’objectif de 2024 et 2025, c’est vraiment de répondre aux critères de Patrimoine canadien pour être reconnu comme société d’histoire et avoir accès à un financement de base qui permettrait d’avoir des employés. Mais pour le moment, il faut faire nos preuves», partage, lucide, Yann Herry.

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125 ans d’histoires francophones

À l’occasion des 125 ans du Yukon comme entité politique canadienne séparée des Territoires du Nord-Ouest, L’Aurore boréale a réalisé, en partenariat avec la Société d’histoire francophone du Yukon (SHFY), un recueil de photos et d’anecdotes témoignant de la présence des francophones sur le territoire, de la ruée vers l’or à nos jours.

«On n’avait pas nécessairement les capacités en ressources humaines pour faire des recherches sur un projet de cette ampleur-là», confie Maryne Dumaine, directrice et rédactrice en chef du journal.

En retraçant le parcours de la communauté francophone, ce projet est aussi un moyen de rappeler «l’importance de toujours militer pour conserver les droits», souligne Yann Herry.

«Pour savoir Yukon va, il faut savoir Yukon vient», sourit Maryne Dumaine.

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Chaque société a ses propres défis à relever. «Il y a vraiment beaucoup de particularités selon les régions. C’est vraiment très individuel», observe Stéphanie St-Pierre. 

Photo : Vanessa Wilson

L’un des principaux défis auxquels font face ces sociétés reste le manque de ressources humaines. La plupart du temps, elles sont tenues à bout de bras par des équipes de bénévoles chevronnées.

«Il y a de plus en plus d’occasions de faire du bénévolat, mais pas nécessairement plus de bénévoles. On épuise souvent notre bassin», observe Stéphanie St-Pierre, aussi membre de la Société historique acadienne de la Baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse.

Si certaines équipes, comme en Saskatchewan, affichent une moyenne d’âge parfois en dessous de 30 ans, d’autres peinent à attirer de jeunes recrues.

«C’est beaucoup des membres qui sont plus âgés, donc ça fait que c’est toujours un groupe de personnes ainées qui s’intéressent aux objectifs de la société», confie Elaine Thimot, présidente de la société historique de la Baie Sainte-Marie.

Selon elle, les jeunes ne sont pas désintéressés; ils sont juste déjà fortement sollicités et impliqués dans d’autres organismes.

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Attirer de nouveaux publics

«Si on veut avoir une pertinence sociale, il faut aussi trouver de nouveaux moyens de rattacher l’histoire des francophonies locales à des histoires plus larges. Il ne faut pas qu’on ait l’impression que c’est complètement déconnecté du monde», souligne de son côté Joel Belliveau, professeur émérite d’histoire à l’Université Laurentienne, en Ontario.

L’historien insiste sur le besoin de «publiciser» les activités via les réseaux sociaux pour atteindre de nouvelles personnes.

Si on continue à faire une ou deux ou trois conférences par an, puis qu’on utilise la même liste de diffusion, on va finir par assembler le même public, qui va vieillir un peu chaque année inexorablement.

— Joel Belliveau
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«Idéalement, il faut que les sociétés historiques régionales trouvent une manière de monter suffisamment de projets pour finir par décrocher une subvention pour avoir au moins une personne à temps plein», suggère Joel Belliveau. 

Photo : Courtoisie

En Saskatchewan, grâce à une subvention du ministère provincial de l’Éducation, la société historique présente des ateliers au sein des écoles. La demande est telle que l’association ne peut pas répondre à toutes les requêtes, assure Alexandre Chartier.

L’organisme emploie également des jeunes, avec des contrats de quelques heures par semaine, en parallèle de leurs études. Une expérience gagnant-gagnant selon le directeur : «Ça me permet de voir comment ils consomment, quelles sont les nouveautés actuelles […] pour mieux répondre après avec les projets.»

L’association a aussi ouvert une boutique en 2021, où elle propose des chandails et des teeshirts à son effigie. «Ça fonctionne très bien. Les jeunes capotent quand ils les voient», affirme-t-il.

«Des fois, on a l’impression que comme c’est une société historique, il faut que ce soit vieillot, mais on peut se faire un rebranding assez jeune», commente Joel Belliveau.

«Il faut savoir prendre le public où il est, avec ses sensibilités actuelles. Il ne faut pas les convaincre de s’intéresser à quelque chose qui ne les intéresse pas; il faut leur montrer qu’il y a quelque chose-là qui les intéresse.»

Le défi de la recherche

«Vu qu’on est en minorité, on est moins connu dans le domaine de la recherche et, vu qu’on est moins connu, on attire moins d’intérêt d’étudiants-chercheurs», déplore Alexandre Chartier.

Le directeur général de la Société historique de la Saskatchewan appelle à mettre sur pied un secteur de la recherche «plus solide». «On devrait avoir droit à une certaine autonomie, en fait, pour pouvoir donner des bourses ou encourager les jeunes à faire des sujets.»

Bientôt un réseau pancanadien?

En Nouvelle-Écosse, Stéphanie St-Pierre déplore, elle, le manque de discussions entre les sociétés d’histoire : «Au Québec, il y a vraiment un réseau de sociétés historiques, mais on n’a pas nécessairement ça en milieu franco-minoritaire.»

Les choses pourraient néanmoins changer. Fondé en 2022, le Réseau Mémoire Patrimoine Histoire (MPH) regroupe des organismes du patrimoine des deux minorités linguistiques du pays.

Ce réseau a notamment comme objectif de constituer des communautés de pratiques, mais aussi de «créer des études, de montrer des chiffres et le besoin qu’il peut y avoir», relève Alexandre Chartier.

Parce que là, à l’heure actuelle, il n’y a qu’un seul fonds qui finance les archives dans tout le Canada.

— Alexandre Chartier

Le directeur rappelle pourtant le lien organique qui relie les communautés francophones à leurs archives : «La dernière chose qui reste d’une civilisation ou d’un groupe communautaire, c’est la société d’histoire ou son musée. Tout aura disparu, mais qu’est-ce qui reste? C’est le bureau de tourisme pour aller visiter et voir les vestiges.»

Type: Actualités

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