Notre histoire: En 1824, le premier orchestre symphonique genevois se fait entendre


En 1824, le premier orchestre symphonique genevois se fait entendre

L’ancien hôtel du résident de France, puis du Musée, et enfin de la Société de Lecture, 11 Grand-Rue.

Ces temps-ci, les bicentenaires se succèdent. On peut compter sur Jean Cassaigneau pour nous les rappeler. Ce n’est guère étonnant, car ce passionné d’histoire genevoise leur a trouvé à tous un rapport avec le grand citoyen de Genève dont il a publié la biographie en 1995: Marc-Auguste Pictet (1752-1825). Les dernières années de la vie de ce savant pluridisciplinaire ont vu l’apparition de notables innovations dans la petite république, devenue canton suisse dix ans plus tôt. Jean Cassaigneau nous l’expliquait dans un texte d’invité paru dans la «Tribune» du 23 décembre dernier.

«Le premier bicentenaire, célébré au Musée d’histoire des sciences à l’initiative des Salons Dufour, a été celui du lancement, le 28 mai 1823, du «Guillaume-Tell», premier bateau à vapeur sur le Léman, construit à l’initiative du consul des États-Unis, Edward Church. L’aller et retour Genève-Lausanne pouvait désormais se faire dans la journée, en réduisant sensiblement le temps de voyage par diligence, et en apportant une grande amélioration aux conditions de transport connues jusqu’alors. Le deuxième bicentenaire, commémoré comme le précédent, fut celui de l’inauguration, le 1ᵉʳ août 1823, du premier pont en fil de fer ouvert au public en Europe. Construit sous la direction de Guillaume-Henri Dufour, ce nouveau moyen de franchir aisément les tranchées permettait dès lors de circuler sans entraves entre l’intérieur et l’extérieur de la ville.»

Cinq mélomanes avertis

Marc-Auguste Pictet soutint le lancement du «Guillaume Tell» et fut avec Dufour à l’origine de la réalisation du pont de fil de fer. En attendant l’anniversaire de l’Ecole d’horlogerie, fondée en 1824, un autre bicentenaire a été célébré le 30 janvier dernier dans les salons de la Société de Lecture: celui du premier concert du premier orchestre symphonique genevois créé en 1823. Ce 30 janvier 1824, les efforts d’un groupe de mélomanes du cru – parmi lesquels le physicien violoniste Marc-Auguste Pictet – étaient récompensés. Deux siècles plus tard, jour pour jour, Jean Cassaigneau a rappelé cet événement lors d’une conférence agrémentée d’extraits du programme musical de 1824.

Ce programme d’époque donnait à écouter entre autres Mozart, Haydn et Rossini. Jusque-là, les opéras et les concerts – donnés dans le premier théâtre de la place Neuve construit en 1782 – faisaient appel à des artistes de passage ou des musiciens locaux réunis au coup par coup. L’initiative des cinq mélomanes avertis (Pictet, Boissier, Constant, Du Pan-Sarasin et Janot) jette les bases d’une Société de musique responsable du premier orchestre permanent de musiciens à Genève.

Cette société naît le 13 septembre 1823 dans le grand salon du premier étage du 11 Grand-Rue, appartenant actuellement à la Société de Lecture. Celle-ci occupait à l’époque les étages supérieurs. Une centaine de personnes participent à cette séance, musiciens et amateurs de musique confondus. La première répétition d’orchestre a lieu le 3 novembre dans une salle disparue du même édifice, la salle du Musée. Le concert inaugural aussi.

Milice sous les armes

«Marc-Auguste Pictet invite les instrumentistes, qui sont pour la plupart des maîtres de musique installés à Genève, à commencer leur première répétition sous la direction du chef allemand Timothée Schenker», explique Claude Tappolet dans «La vie musicale à Genève au XIXe siècle». «Après une demi-douzaine de répétitions, l’orchestre de la Société de musique, comptant une soixantaine de musiciens, offrit son concert inaugural le 30 janvier 1824, à 6 heures de l’après-midi, à l’hôtel du Musée.»

Pour Marc-Auguste Pictet, la discipline est primordiale. Jean Cassaigneau a retrouvé son discours aux musiciens prononcé le 3 novembre 1823, dans lequel il précise: « Je n’ai pas besoin d’insister sur la soumission implicite des exécutants à toutes les directions du chef. Un orchestre est une milice sous les armes, il doit être essentiellement obéissant comme elle.»

La Société de musique va poursuivre ses activités dès la fin de l’année 1825 dans ses propres locaux à la rue de l’Evêché, là où le successeur du chef d’orchestre Timothée Schenker, le Carougeois Nathan Bloc, ouvrira dix ans plus tard le premier Conservatoire de musique de Genève. La Société de musique n’existe plus à ce moment-là, mais l’implusion qu’elle a donnée à la vie musicale genevoise a été décisive. Marc-Auguste Pictet, lui, s’est éteint en 1825. Gageons que le bicentenaire de sa mort ne laissera pas Jean Cassaigneau inactif.

Un orchestre au début du XIXe siècle. Illustration tirée du livre «Camera Obscura van Hildebrand» de Nicolas Beets.

La Société helvétique de musique en visite à Genève

En 1823, le zèle des pères de la Société de musique de Genève est attisé par l’ambition d’attirer au bout du lac la Société helvétique de musique (SHM). Fondée à Lucerne en 1808, celle-ci réunit toutes les sociétés de musique de Suisse lors d’une fête organisée chaque année dans un canton différent. Cette manifestation réjouit les musiciens et leurs auditeurs, tout en resserrant le lien confédéral encore neuf pour certains cantons, dont Genève.

Charles de Constant (1762-1835), président de la Société de musique de Genève lors de la visite de la Société helvétique de musique.

Notre Société de musique se dépêche d’adhérer à la SHM, afin de pouvoir accueillir l’une de ses prochaines fêtes annuelles. Marc-Auguste Pictet, Charles de Constant et les trois autres membres fondateurs sont revenus épatés par la fête organisée à Lausanne en été 1823, et particulièrement par le grand concert donné dans la cathédrale. 139 musiciens et 110 chanteurs venus de tout le pays y participaient. Dans leur esprit, Genève ne doit pas faire moins.

L’année suivante, c’est Lucerne qui reçoit la fête. En 1826, le terrain est prêt à Genève pour que la SHM vienne y célébrer le culte de la muse Euterpe. C’est un nouveau débarquement des Suisses, comme en juin 1814, mais vingt-deux ans plus tard et fin juillet. «Plusieurs milliers de membres de la SHM, venus de toute la Suisse, sont accueillis à Genève», écrit Claude Tappolet.

Marc-Auguste Pictet (1752-1825), l’un des pères fondateurs de la Société de musique de Genève en 1823.

L’assemblée générale a lieu dans la cathédrale Saint-Pierre le 31 juillet. Le soir même, le président Charles de Constant reçoit les musiciens confédérés dans sa propriété de Saint-Jean, d’où la vue sur la ville est à couper le souffle. Le lendemain, c’est le grand concert à Saint-Pierre, devant plus de 4000 auditeurs. Ils écoutent de la musique de leur temps, puisque la Symphonie No 2 de Beethoven est l’œuvre d’un compositeur encore vivant en 1826. Il mourra l’année d’après à Vienne. Quant à la Société de musique de Genève, elle aura le privilège, en février 1827, de mettre à son programme le récital d’un pianiste prodige de 16 ans appelé Franz Liszt.

«Marc-Auguste Pictet ou le rendez-vous de l’Europe universelle» pa Jean Cassaigneau et Jean Rilliet, Slatkine 1995, 784 pages. «La vie musicale au dix-neuvième siècle (1814-1918)» par Claude Tappolet, Jullien, 1972.

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