Le carnet de tickets de métro disparaît, la fin d’une « madeleine de Proust », d’un « rappel de l’enfance » pour cet ésitériophile

La RATP et la SNCF arrêtent de vendre les carnets de dix tickets à partir du 21 septembre. Le début de la fin d’un objet « iconique, du quotidien », « un support de mémoire » pour Grégoire Thonnat, collectionneur de titres de transport.

Depuis jeudi 21 septembre, il n’est plus possible d’acheter un carnet de dix tickets de métro, bus, RER, tramways – les tickets t+ – en Ile-de-France. Le petit papier cartonné rectangulaire disparaîtra définitivement fin 2024, a annoncé la présidente de la région, remplacé par les Passes Navigo Easy et Liberté+, que l’on peut recharger.  De quoi susciter un brin de nostalgie chez Grégoire Thonnat. Cet auteur, notamment d’une « Petite histoire du ticket de métro parisien », aux éditions Télémaque, est ésitériophile, collectionneur de tickets de transports. Il en a plusieurs milliers chez lui, des tout premiers tickets édités, en 1900, lors de l’inauguration du métro, au petit papier cartonné jaune à bande marron, le « Ticket chic, ticket choc » des années 80.

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Pour lui, c’est « un rappel de [son] enfance qui disparaît », même s’il concède que son remplacement par le pass Navigo rechargeable va dans le sens de l’évolution des usages des Franciliens.

Que représente pour vous la fin du carnet de tickets de métro, et bientôt celle du ticket ?

Grégoire Thonnat : C’est une page qui se tourne, un objet de notre quotidien qui va disparaître. 123 ans d’histoire se terminent, puisque le ticket a le même âge que le métro parisien, inauguré en 1900. Je suis prêt à parier que beaucoup de gens vont garder leur ticket de métro – certains le font déjà – en souvenir, comme trace, support de mémoire, emblème. Un peu comme quand on est passé du franc à l’euro.

Moi, j’ai 56 ans, j’ai grandi à Paris, avec son métro. C’est une madeleine de Proust, un rappel de mon enfance, de mon père avec qui je suis allé acheter mon premier ticket, au guichet, quand j’avais 11 ans. Plus exactement, il m’a acheté une carte Orange d’abonnement, avec son coupon correspondant. Je l’insérais comme un ticket, dans le tourniquet, à l’entrée. Je rentrais en 6e. Le collège était à quelques stations de métro de chez moi, et je le prenais pour la première fois, seul.

Pour moi, cette carte Orange, avec son coupon, c’est le support de mémoire de cette époque. Ils représentent pour moi un sésame pour découvrir la ville, un peu comme une mobylette, un scooter peut être un sésame de liberté pour les jeunes vivant hors des grandes villes. Grâce à celui-ci, je devenais autonome vis-à-vis de mes parents. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à conserver mes tickets, d’abord mes coupons mensuels, puis à en collectionner d’autres.

La première carte Orange de Grégoire Thonnat, datant de 1978, précieusement conservée. (GREGOIRE THONNAT) La première carte Orange de Grégoire Thonnat, datant de 1978, précieusement conservée. (GREGOIRE THONNAT)

Vous regrettez cette disparition ?

Je ne suis pas passéiste non plus. On ne va pas s’arc-bouter sur les tickets papiers. On passe à autre chose, une nouvelle époque. Mais je suis un peu nostalgique, c’est sûr. 

Vous voyez, sur un ticket, au dos, il y a parfois des inscriptions, quelques mots notés par leur acquéreur. Dans ma collection, j’ai notamment un ticket datant de février 1940, sur lequel quelqu’un a écrit au crayon de papier : « Billet pour accompagner Toto à la gare du Nord ». On peut imaginer plusieurs histoires derrière ces quelques mots. C’est peut-être une jeune femme qui raccompagnait son ami à la gare, en fin de permission, et qui a inscrit ces mots en souvenir de ce moment. Elle ne sait pas quand ni si elle va le revoir. Forcément, ce ticket a une valeur particulière.  

Un ticket, c’est comme le métro. Il a une odeur.

Grégoire Thonnat, collectionneur de tickets de transports

à franceinfo

C’est un papier cartonné, avec de l’encre dessus. Alors qu’une carte, un pass Navigo, c’est du plastique avec une petite carte à puces. C’est une autre époque. On est dans la modernité.

Le ticket est remplacé par les Passe Navigo Easy et Liberté+. Pour vous, ont-ils moins ce caractère mémoriel que le ticket ?

Oui et non. Le Passe Navigo a aujourd’hui une typologie, une couleur. Il va évoluer dans les années à venir, donc la version actuelle va rappeler, marquer cette époque. Mais je ne suis pas certain de l’état dans lequel va se conserver un morceau de plastique comme le Passe Navigo dans dix ou vingt ans. Il va se désagréger. Alors que le ticket papier, si vous le conservez proprement, dans un album, s’il n’est pas sujet à l’humidité, vous pouvez le garder longtemps.

Mais je collectionnerai sûrement aussi les Passe. Pour être honnête, j’utilise le métro plusieurs fois par semaine, et je n’ai pas toujours mon Passe Navigo sur moi. Donc je suis en obligé d’en racheter un. J’en ai donc plusieurs. Mais c’est vrai que c’est moins charmant qu’un ticket de métro, d’autant plus quand il est ancien. Et puis, comme je suis auteur, j’aime le papier, la sensation quand on touche du papier. Le plastique ne me fait pas le même effet.

Grégoire Thonnat a classé des milliers de tickets de métro dans des classeurs. Ici, des petits rectangles de papier cartonné datant du début du XXe siècle. (SEBASTIEN BAER / FRANCE INFO) Grégoire Thonnat a classé des milliers de tickets de métro dans des classeurs. Ici, des petits rectangles de papier cartonné datant du début du XXe siècle. (SEBASTIEN BAER / FRANCE INFO)

Avec la disparition à venir du ticket, et celle du carnet dès maintenant, votre collection va prendre de la valeur.

C’est très relatif. Il y a un petit marché là-dessus. Nous sommes très peu de collectionneurs. À part quelques tickets vraiment uniques, datant de l’inauguration du métro, en 1900, ça ne partira pas à des prix pharaoniques aux enchères… La probabilité est faible. Pourtant, certains sont très beaux. Ils ont un graphisme travaillé avec beaucoup de symboles, et même des publicités au dos.

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